Mercredi 22 août

Aujourd'hui, nous visitons Krafla. Départ de bonne heure du camping, en direction de la centrale géothermique de Krafla. Site expérimental, cette usine ressemble surtout à un champ de tuyaux où poussent des nuages de vapeur, dans un sifflement continu de tuyère. Nous admirons le site depuis un point de vue aménagé en hauteur, équipé de panneaux expliquant le fonctionnement des installations. Un coup d'oeil rapide au lac Víti, très semblable à celui de l'Askja, et nous filons vers le Krafla. Et la zone vaut le détour : solfatares, mais surtout coulées de laves à profusion.

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Récentes ou anciennes, toutes sont noires et dégoulinantes - bien que figées. Les plus anciennes sont un peu ternies, mais les dernières de 1984 sont encore bien marquées et luisantes, cordées, plissées, et surtout - quel bonheur ! - tièdes. Un nuages de vapeur s'élève au-dessus des zones les plus chaudes, souvent colonisées par les mousses : chaleur et humidité, que demander de plus ? Nous profitons nous aussi de l'aubaine pour pique-niquer au chaud dans un repli de coulée. Le tube au thon convient mieux à Christophe que le saumon. Hélas, nous n'en retrouverons plus sur la suite de notre parcours.

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Le rift est ici bien marqué : un ensemble de fractures très visibles matérialise la tectonique. Christophe se prête au jeu de la photo symbolique : un pied en Amérique et un pied en Europe. Au loin, un alignement de bouches volcaniques souligne la nature linéaire du volcan Krafla. Tout autour, une mer de laves figées donne une faible idée de ce qu'a dû être l'éruption. Dommage que Krafla ne nous en fasse pas une démonstration aujourd'hui.

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Nous poursuivons notre périple par le tour du lac Mývatn. Notre topo indiquant un parc naturel, nous nous y précipitons, espérant y faire de belles observations d'oiseaux. En fait il s'agit d'un parc d'agrément privé, très jardiné et pas du tout naturel : on se croirait dans une forêt tempérée européenne, même les champignons y sont importés : cèpes et amanites tue-mouche ! Mais l'endroit est sympathique pour jumeler les quelques garrots d'Islande faisant trempette sur le lac, bien trop prudents pour être photographiés. En plus ces stupides volatiles plongent immanquablement avant que j'aie effectué la mise au point de la longue-vue. Nous nous consolons avec une pause goûter. Nous commençons à avoir nos petites habitudes question goûter : soit des bichocos bas de gamme pas chers mais pas très fameux, soit des biscuits islandais façon militaire, avec " Reykjavík " inscrit en creux dessus, ce qui ravit Christophe.

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Ensuite se pose le casse-tête quotidien du bivouac. J'ai repéré sur la carte une piste en pointillé qui semble à la fois non officielle et abandonnée, ce qui peut être un bon plan. En effet en plein désert sur la droite de la piste 87 pour Húsavík, une piste presque effacée se dirige vers nulle part dans le sable. Des essais de reboisement, ou plutôt de revégétalisation, se devinent encore en bordure : quelques légumineuses faméliques - nous découvrirons plus tard qu'il s'agit de lupin - donnent un peu l'impression d'une greffe d'implants ayant échoué sur un crâne déplumé. Tant pis, on y va quand même. D'ailleurs le terrain change vite, et bientôt nous roulons sur une piste de terre battue bordée de gras pâturages où d'innombrables troupeaux de trois moutons paissent paisiblement. En Islande, le mouton se compte par trois : la mère et deux petits. Lorsqu'ils ne sont que deux, c'est qu'un accident de la route est à l'origine de la triste disparition ; souvent ces sympathiques mais peu futés quadrupèdes traversent la piste au ras du pare-choc des voitures et il convient d'être particulièrement prudent pour ne pas se retrouver au poste de police avec un cadavre sur les bras. Sachant que trois moutons sont plutôt trois fois plus bêtes qu'un seul - ce doit être le principe de la synergie adapté aux moutons - la tache est rude. En général un mouton broute à droite de la route, et deux à gauche, à moins que ce ne soit l'inverse, et tous décident d'échanger leur position au moment précis où arrive un véhicule. D'où l'intérêt d'avoir de bons freins, de bons réflexes, ou à défaut un pare-buffle solide. Mis à part cet aspect déroutant de son caractère, le mouton islandais - " lamb " dans le texte - est un bel animal, propre et en bonne santé, couvert d'une somptueuse toison de laine soyeuse, et surtout délicieux en grillade avec une sauce aux herbes, et terriblement doux en descente de lit. On le trouve partout en Islande, en particulier dans les déserts les plus pelés où il doit probablement se nourrir de cailloux, l'érosion ayant emporté tout le reste.
Quant à nous, nous jouons à saute-mouton avec le Land sur une piste en montagnes russes, rebondissant gaiement de creux en bosse dans le fracas des cantines qui ont du mal à suivre le rythme derrière. Nous y laisserons un magnifique verre à moutarde appartenant à la maman de Christophe, fracassé lors d'une réception de bosse malheureuse. Par la suite, nous emballerons soigneusement chaque verre dans un torchon, de même pour les bols. Je découvre aussi que notre table pliante perd ses écrous sous l'effet des vibrations. Nous avions bien entendu un bruit suspect en roulant, en voilà l'explication (" Tu vois, Christophe, que ce n'est pas le Land qui perd ses écrous !"). Pour finir, nous dénichons le bivouac de nos rêves dans le creux d'une carrière à remblais, à l'abri du vent, au soleil : le pied !

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