Voilà de quoi nous mettre de bonne humeur pour la journée.
Il fait chaud, et nous prenons le temps de nous préparer un petit-déjeuner
gargantuesque. Il est onze heures quand nous avons tout plié, mais
au moins avons nous profité d'une bonne matinée.
Ce matin, nous visitons Eldgjá, faille monumentale du rift islandais
située sur la zone géologiquement active. L'effet est saisissant
: nous roulons sur une piste tracée au fond d'une faille large de
30 mètres, entre l'Amérique et l'Europe. Garés au parking,
nous explorons cette gorge à pied, jusqu'à une cascade due
à la capture d'une rivière par la faille. Sur les deux rives
du rift, on distingue une croûte volcanique coupée net par l'écartement
des plaques. Et au milieu, de petites bouches volcaniques ont craché
récemment une lave pâteuse solidifiée en dégoulinures
noirâtres à violettes. On peut encore y deviner le mouvement
du magma pâteux. Frédérique en prélève
quelques beaux échantillons pour notre collection.
Sur le chemin du retour, peu avant le parking, Frédérique
m'interpelle alors que je marche gaiement le nez au vent. A trois mètres
de nous, un lagopède nous observe. L'oiseau se tient parfaitement
immobile sur un rocher, cou tendu, à l'affût de tout mouvement
suspect. C'est une femelle Lagopède alpin qui surveille ses petits.
Juste en dessous, slalomant entre les cailloux et les arbrisseaux nains,
six petites boules de duvet picorent les fleurs et les jeunes pousses. Ils
se coursent, s'arrêtent, s'éloignent et se regroupent sous l'oeil
vigilant de leur mère. Celle-ci pousse régulièrement
un petit cri de ralliement, maintenant ainsi le contact avec ses troupes.
Le temps de saisir l'appareil photo avec le téléobjectif, et
je mitraille la petite famille, prenant des portraits comme on a rarement
l'occasion d'en faire. La mère ne nous considère visiblement
pas comme des prédateurs. Profitant de sa confiance, je me poste derrière
un bloc rocheux, attendant les petits qui viennent dans ma direction. Mais
la manoeuvre n'a pas échappé à la maman ; elle pousse
deux petits cris aigus alors que deux jeunes imprudents s'approchent de moi,
et c'est la débandade vers un abri plus sûr. Tant pis, j'aurai
quand même quelques jolies photos.
De retour aux voitures, nous croisons un jeune couple de français,
à qui nous indiquons la présence des lagopèdes. Vu leur
tête, j'ai l'impression qu'aujourd'hui encore ils se demandent " des
lagoquoi ? ".
L'après-midi nous faisons un deuxième passage au Landmannalaugar, et une randonnée un peu plus longue que la veille. Le sentier débute à Laugahraun, spectaculaire coulée de rhyolite recouverte de blocs d'obsidienne brillant au soleil. Solfatares fumants, torrent ayant entaillé des roches verdâtres, le paysage est grandiose, nous y restons des heures.
Revenus tard au camping, nous nous décidons à nous baigner
dans la rivière chaude, après de longues hésitations.
Le vent froid n'incite pas vraiment à la baignade, et il faut un certain
courage - ou une inconscience certaine - pour se lancer. D'ailleurs Christophe
est le premier dans l'eau. Le plus dur, c'est le trajet entre le ponton où
on se déshabille et la source chaude : il faut traverser une rivière
peu profonde mais franchement froide sur une quinzaine de mètres,
soit au sprint, soit à la nage. Et une fois qu'on est dans l'eau chaude...
on se gèle ! Un groupe d'Italiens sympathiques mais encombrants occupe
l'arrivée d'eau chaude (une source à 80°C qui se jette
dans la rivière), et nous devons rester à distance, là
où la température de l'eau a déjà baissé.
Nous finissons par quitter l'endroit avant eux, pas décidés
du tout à céder la place.
Le site du Landmannalaugar étant protégé, nous campons en dehors du périmètre, juste après le panneau interdisant le camping. Alors que nous nous installons à la nuit tombante, Christophe montant la tente, Frédérique au pain banique et moi à la cuisine, une moto arrive sur nous. A notre grande surprise c'est notre copain Oye, toujours dans le coin. Il nous demande si nous n'aurions pas vu passer une moto blanche. En effet, il a vu des traces de moto zigzagante dans le sable, et après avoir étudié la forme des empreintes il aurait reconnu un motard italien rencontré durant son périple et qu'il espère rejoindre. Oye, grand pisteur de moto !