Jeudi 30 août

L'ambiance est toujours à la grisaille ce matin, mais pas de neige. Nous retournons à Hveravellir pour une nouvelle visite éclair, sans grande conviction. Ce n'est encore pas ce matin que nous nous baignerons dans la rivière d'eau chaude. La visibilité est réduite, et nous renonçons également à la randonnée prévue vers un proche sommet, Strýtur, perdu dans le brouillard. A regret nous décidons de changer de région pour parvenir à l'ouest du glacier Langjökull.
Nous avons repéré sur les panneaux d'information qui marquent l'entrée de chaque commune une piste pour 4x4 spéciaux permettant de relier la F35 à la F578 à l'ouest du pays, sans remonter jusqu'à Blönduos et les fjords du nord. Ces pistes figurant en pointillé gris sont des pistes non aménagées, réservées aux 4x4 spécialement préparés pour ce genre de sport. L'allure des 4x4 islandais - des " big foot " - aurait normalement dû nous inciter à la prudence : véhicules surélevés, roues monstrueuses, GPS intégré, c'est du sérieux ! Mais Christophe avait depuis longtemps envie de tester son engin sur de la vraie piste, et nous nous lançons.
Après 18,5 km de bonne piste roulante, nous quittons la F35 pour une vague trace qui part vers la gauche. Le début est plutôt amusant : nous zigzaguons entre les laves solidifiées, cherchant les blocs marqués à la peinture verte qui jalonnent l'itinéraire. Il faut parfois descendre au fond d'un oued pour remonter en face, et Christophe se régale de faire enfin du franchissement. Notre vitesse moyenne avoisine les 16 km/h, tout va bien. Petit à petit, le décor change. Le sable du Stórisandur remplace les laves, nous contournons des dunes et traversons des lacs asséchés. L'ambiance reste très minérale. Après deux heures de traversée, nous atteignons une lande à arbrisseaux nains : airelles, camarine, saules. Le pique-nique est installé au beau milieu de la piste, sous un rayon de soleil ; de toute façon il n'y a pas la place de se garer, et pas une seule voiture à des kilomètres à la ronde. Comme souvent, nous pique-niquons de pain banique tartiné de tapenade, de pâté, de tube de poisson et d'Ostur. Peu après être repartis, nous arrivons à une bifurcation non représentée sur notre carte au 1/750 000e, ni sur le GPS qui affiche un vide déprimant à l'écran. Est-ce à gauche, ou bien à droite ? Aucun repère pour nous aider à décider. Après quelques minutes d'hésitations, nous optons pour la gauche. Je prends le volant, histoire de me faire une peu la main en tout terrain. Mais les difficultés se succèdent, en particulier des traversées d'oueds parsemés de blocs monstrueux qu'il faut escalader au ralenti. Je souffre à chaque fois que j'entends le pont racler sur des rochers, même si Christophe tente de me rassurer en prétendant que c'est du solide. Il cherche désespérément à se cramponner à l'intérieur du Land, très surpris de constater qu'on est beaucoup plus secoué en tant que passager qu'en conduisant. Nous garons le Land à côté d'un refuge plutôt sommaire, en assez mauvais état, ce qui n'est pas dans les habitudes islandaises. Le doute commence à s'installer. Et au moment de repartir après une visite rapide du refuge, plus de piste. Nous sommes au bout, il n'y a plus rien après. Il faut bien se rendre à l'évidence, nous nous sommes trompés de direction, c'était l'autre la bonne. Et encore une heure de shaker pour revenir à la bifurcation, plus tout le reste qui nous attend. L'ambiance en prend un coup. Je rends le volant à Christophe. Avec Frédérique, nous prenons notre mal en patience. La vitesse a chuté à moins de 12 km/h.
Revenus à la bifurcation, nous croisons un Land 110 noir, plaques de désensablage sur le côté, un jeune couple avec un nourrisson à l'intérieur. Eux viennent du nord, et ils nous indiquent que le bon embranchement se trouve quelques kilomètres plus loin. Ils se sont ensablés en venant, et nous expliquent que la piste est vraiment difficile, en particulier un passage dans les cailloux, " quite long ". Ça promet ! Grâce à leur carte au 1/100 000e, nous parvenons à nous repérer et à examiner la fin du parcours : un gué difficile est noté juste avant la fin. Si nous ne parvenons pas à le franchir, il faudra refaire toute la piste en sens inverse...
La suite est plus vallonnée, nous traversons de jolies collines herbeuses pâturées par les moutons. L'érosion est intense, en particulier lorsque la piste coupe le flanc d'une montagne. Régulièrement des talwegs creusent des plaies béantes en travers de la piste, comblées à coups de blocs par les " aventuriers " qui nous ont précédés. Dans les pentes, des ornières profondes finissent par rendre la piste inutilisable, et une deuxième piste parallèle est alors tracée juste à côté. Pour traverser les talwegs, la piste plonge directement au fond du vallon et remonte en pente raide en face. Christophe nous impressionne par sa maîtrise du franchissement. Pourtant nous sommes encore inquiets, n'ayant pas trouvé le deuxième refuge noté sur notre carte. Mais plus loin nous apercevons un nouveau refuge en bord de rivière, que nous identifions formellement comme le troisième refuge de la traversée. Posé dans un paysage de toute beauté, dominant une vallée herbeuse parsemée de lacs au milieu de l'immensité, le refuge est constitué de deux parties, une pièce neuve, luxueuse, et une pièce ancienne, plus rustique. Il sert apparemment aux chasseurs qui fréquentent ces contrées isolées. Si nous étions plus sûr de la suite du parcours, nous aurions bien dormi ici pour observer les oiseaux dans les marais au petit matin. Mais en plus du stress qui nous incite à continuer, le prix est franchement prohibitif. La fin est proche. Le jour baisse déjà, une pluie fine commence à tomber et nous décidons de poursuivre jusqu'à la piste carrossable, pour être fixés sur le gué final. Sans doute un des plus beaux gués que nous ayons traversés en Islande, long, peu profond, une eau claire et tranquille. Et de l'autre côté, c'est le miracle : du remblai ! Nous en sommes sortis, plus aucun risque de devoir demi-tourner à présent. C'est complètement épuisés que nous parvenons à un parking sur lequel nous nous installons pour la nuit.

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