La journée se passe sur la route goudronnée, à contourner des fjords interminables. Nous naviguons maintenant dans les basaltes du Tertiaire vieux de plus de 3 millions d'années, un âge très avancé pour des roches islandaises. Le paysage ressemble beaucoup aux îles Féroé, avec ces strates de basaltes de couleurs différentes qui se succèdent du fond des fjords aux sommets de plus de 1000 mètres
La route contourne des marais et des vasières, lieux de nourrissage
de colonies importantes d'oiseaux d'eau : cygnes chanteurs, canards siffleurs,
barges à queue noire, chevaliers gambette. Tout ce petit monde nage,
patauge et fouille la vase pour en dénicher les invertébrés
qui s'y planquent. Nous nous arrêtons à plusieurs reprises pour
les observer, assis en bord de route derrière la longue-vue.
Quelques villages de pêcheurs sont installés sur les pentes
herbeuses à l'abri des fjords, constitués souvent de quelques
maisons, d'un petit port et d'énormes silos. Au détour d'une
rue, Frédérique s'étonne : " Tiens, voilà que
je comprends l'Islandais maintenant ! ". Un panneau indique " Rue du port
". En fait nous traversons le village des marins français, où
un triste cimetière abrite les tombes des " pêcheurs d'Islande
" qui n'ont jamais revu leur Bretagne natale.
Alors que je suis au volant, nous arrivons sur d'importants travaux d'élargissement
de la route n°1. De gros camions de chantier charrient des tonnes de
terre au milieu des bulldozers, et un bourbier épais et gluant recouvre
la piste. Christophe s'affole en voyant le dangereux franchissement que nous
allons devoir traverser. Il me conseille : " Passe en vitesses courtes, et
bloque le différentiel. Et essaie de ne pas t'arrêter, sinon
on n'en ressort pas. " Je m'exécute de bonne grâce, et nous
traversons sans encombre. Nous croisons au passage quelques berlines à
2 roues motrices, dont les malheureux conducteurs inconscients n'ont sans
doute pas entrevu le danger d'une telle manoeuvre.
Pour prolonger un peu le voyage, nous quittons la route 1 au niveau de
Breidhdalsvík au profit de la route 96 qui suit les fjords quelques
temps encore. Nous poussons jusqu'à Egilsstadhir où nous reconstituons
nos réserves en prévision du voyage : tube de poisson, Ostur,
Surmjólk, quelques conserves, de quoi pique-niquer jusqu'en France.
Autre préparatif important avant le départ : passer le Land
au jet, qu'il soit impeccable au moment de franchir la douane. D'ailleurs
toutes les stations-service du pays sont équipées de tuyaux
d'eau et de brosses, et le nettoyage des 4x4 est un sport national en Islande.
Nous retournons sur nos pas et trouvons un joli bivouac bien situé
en bord de rivière, à dix minutes d'Egilsstadhir, caché
au milieu des arbres. Au repas ce soir, Aïoli du routard. Frédérique
et moi adorons le poisson sous toutes ses formes, et nous sommes bien décidés
à en remanger. Confortés par le succès d'hier soir,
nous décidons de ruser pour en faire avaler à Christophe. Je
propose donc un aïoli avec le poisson acheté à Egilsstadhir,
et Christophe est ravi. La recette pourrait choquer les puristes, qu'ils
me pardonnent : filet de cabillaud frais, mayonnaise en tube, ail déshydraté,
et pour l'accompagnement purée en flocons préparée avec
du lait en poudre. Terminer par un bon café, lyophilisé bien
sûr !