La journée sera consacrée au thème des cascades (foss en Islandais), fort nombreuses le long des gorges de la rivière Jökulssá á Fjöllum. Ces gorges impressionnantes sont réputées être les plus grandes gorges fluviales d'Islande. Après une heure de piste, nous sommes en vue de la première cascade de notre circuit : Hafragilsfoss. Perchés sur un promontoire en bord de piste, nous observons cette spectaculaire chute d'eau, belle cascade interrompant la rivière glaciaire. Curieusement, à côté des eaux noirâtres, une tache d'eau couleur marine refuse de se mélanger. Peut-être une résurgence aux eaux peu chargées et plus légères. Un vent violent souffle sur le plateau d'où nous observons le spectacle.
Quelques kilomètres de piste plus tard, c'est Dettifoss, la plus puissante chute d'eau d'Europe d'après les topos. Vraiment impressionnante par son débit et sa hauteur : 500 m³ par seconde pour une hauteur de 45 mètres et une largeur de 100 mètres. Le vacarme est assourdissant. En continuant à pied après le parking, nous arrivons à Sellfoss : une large cataracte aux allures de chutes du Niagara, la forêt en moins. Quelques orchidées - Plantanthera hyperborea - poussent au pied des cailloux : cette orchidée nord-américaine répandue de l'Islande au Kamtchatka peut atteindre 1 m de haut en Amérique, mais ne dépasse guère une vingtaine de centimètres ici.
Nous reprenons la piste 864 vers le sud, pour rejoindre la route n°1
en direction de Mývatn. Nous nous engageons sur une piste secondaire
vers le lac Vidharvatn, espérant y trouver un bivouac. Mais l'endroit
est très venté, impossible de s'y installer pour la nuit. En
revanche nous débusquons des champignons tapis dans les arbrisseaux
nains - des bolets quelconques - et nous passons une heure à parcourir
la toundra pour en cueillir un grand sac que nous cuisinerons ce soir avec
des pâtes à la crème. De quoi nous changer de l'ordinaire,
nous en salivons déjà d'avance.
Peu avant Reykjahlídh, nous nous arrêtons observer l'usine de
diatomite en bord de route : un bassin d'eau tiède et turquoise, une
usine qui crache de beaux nuages de vapeur, et de gros tuyaux en provenance
du lac Mývatn. Ce lac d'origine volcanique, plus calme de nos jours,
abrite un écosystème très particulier, basé sur
une production végétale originale. Les eaux qui alimentent
le lac sont riches en silice, ce qui permet un très fort développement
d'algues particulières, les diatomées, au test (" squelette
") composé de silice. Ces diatomées croissant en eau peu profonde
servent de pâture aux larves de moucherons, très abondants dans
ce milieu (Mývatn signifie " le lac aux moucherons "), qui seront
dévorées par différentes espèces de canards et
de poissons, poissons à leur tour proies des oiseaux carnassiers.
Cette chaîne alimentaire, associée à un climat particulièrement
favorable (soleil et chaleur), est à l'origine de la richesse en oiseaux
d'eau de la région. Mais l'usine de production de diatomite (poudre
de diatomées séchées à vocation industrielle)
pompe les diatomées du lac. Selon les exploitants de l'usine, ce prélèvement
n'a pas d'incidence sur le milieu. Pourtant l'avis de certains scientifiques
qui étudient l'écosystème est plutôt que la base
même de cet écosystème est menacée, et donc que
l'ensemble du lac est en danger.
Comme nous comptons rester dans la région demain, nous nous mettons à la recherche d'un camping au bord du lac. Il y en a trois, et nous choisissons le plus à l'écart de la " ville ". Il est même un peu abrité du vent. Nous en profitons pour prendre une vraie douche. Mais à peine entrés dans le local douches, nous suffoquons, asphyxiés par l'odeur de soufre : l'eau chaude est puisée directement à la source, sans qu'il y ait d'échangeur, et c'est de l'eau " brute de géothermie " qui sort des tuyaux. On s'y habitue, et puis il paraît que c'est bon pour la peau.