Jeudi 23 août

La nuit a été douce et le sommeil réparateur. Nous prenons tranquillement notre petit-déjeuner sous les premiers rayons du soleil. Nous avons ajouté à notre menu matinal un gros pot de Nutella, aliment indispensable à notre santé mentale en camping. Au loin un grondement annonce l'arrivée d'un véhicule, le premier depuis que nous avons emprunté cette piste. Un gros barbu au volant d'un 4x4 Toyota allemand nous contourne, puis freine brutalement après nous avoir aperçu. S'éjectant de son engin, il se précipite sur nous en brandissant une carte d'Islande. Et nous explique que notre carte, négligemment posée sur un coin de la table pliante, n'est pas la bonne et qu'il en existe une bien meilleure, la sienne, qu'il en existe aussi de plus précises de la région, au 1/100 000e, et surtout qu'à proximité se trouve les plus beaux " hotsprings " d'Islande : Bæjarfjall. Nous avions bien vu - senti surtout - une activité géothermique à proximité hier soir, mais nous avions préféré bivouaquer avant. L'Allemand nous explique qu'il s'y rend pour des photos, nous le rencontrerons de nouveau tout à l'heure.
Le temps de plier le campement et nous repartons vers le nord. Après une semaine de camping, nous commençons à être rodés, et le rangement ressemble maintenant un rituel : Christophe plie la tente de toit, aidé en général de Frédérique, pendant que je range la cantine. Intense activité cérébrale que ce rangement d'ailleurs : il faut arriver à faire rentrer dans une cantine métallique un certain nombre de boîtes, sachets, cartons et bocaux, ainsi que la vaisselle et le gaz, tout en prévoyant de laisser en surface ce dont nous aurons besoin à l'étape de midi. Petit à petit, les choses trouvent leur place, et finalement il n'y a plus que moi qui touche au contenu de la cantine, toute intervention extérieure provoquant un désordre indescriptible (" C'est-Manu-qui-sait " dixit Christophe). D'ailleurs ce matin Christophe a essayé de m'aider en laissant tomber les bols empilés sur le sol rocailleux, et celui du dessous n'a pas survécu à l'atterrissage. Maintenant je n'aurai plus que deux bols à caser au lieu de trois, c'est plus facile.
Après quelques kilomètres, nous arrivons au refuge de Katilfjall, en bord de hotsprings, où nous retrouvons le Toyota. La géothermie présente l'avantage de permettre un chauffage gratuit et inépuisable des bâtiments, et ce refuge en abuse : la température à l'intérieur doit dépasser 50°C, un thermomètre indiquant 85° à l'arrivée d'eau des radiateurs. Quant aux WC, petit bâtiment triangulaire séparé comme dans tous les refuges nordiques, ils tiennent davantage du sauna que des toilettes. En tout cas, nous ne nous y attardons pas ! Nous visitons le champ de solfatares. C'est Námafjall, en plus grand, sans les barrières, les caillebotis et les touristes. Le site y gagne en cachet. Christophe, lui, est sujet à une nouvelle crise d'effet kangourou.

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Nous tournons quelques heures sur le site, à la recherche de soufre cristallisé, de petites bouches de vapeur et de marmites de boue. On ne se lasse pas d'un tel spectacle. Frédérique récupère quelques beaux spécimens de fleur de soufre. L'Allemand prend ses photos, puis revient discuter avec nous, nous expliquant la différence entre les points chauds, laugar en Islandais - warm en Anglais, et les points très chauds, hvera en Islandais - hot en Anglais. Au passage, il nous indique une piscine géothermique parmi les plus belles d'Islande. Ça tombe bien, nous ne nous sommes pas lavés hier.

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Le paysage tient maintenant davantage de la lande, couverte d'airelle et de bouleau nain à l'abri desquels se développe la camarine aux jolies baies noires et brillantes. Un peu partout émergent des rochers dénudés, et sur chaque rocher, un pluvier doré. Très peu discret sur son promontoire, il lance régulièrement son cri plaintif : " tlu ­ tlu ". Développer un tel mimétisme - plumage brun noir tacheté de jaune doré qui se confond parfaitement avec la lande - pour faire un raffut pareil ! Je tente une approche discrète pour le photographier. Un quart d'heure à ramper dans la boue au milieu des arbrisseaux nains pour parvenir à distance suffisante, mais le résultat en valait la peine. Surtout que l'oiseau n'a même pas pris la peine de s'enfuir. Il s'est seulement contenté de surveiller l'espèce de quadrupède rampant et maladroit qui se vautrait sur son territoire.

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En arrivant à la piste 87, nous apercevons un fjord brillant sous les brumes. Au-delà, c'est l'Océan Arctique ! Nous repartons vers le sud en direction de Mývatn. Sans oublier une pause piscine à Kveravellir (donc source très chaude) : la piscine se trouve à l'intérieur d'un hôtel plutôt chic, où nous hésitons à entrer avec nos vêtements sales et nos chaussures boueuses. Cette piscine tient du rêve pour des campeurs sauvages comme nous : vaste, déserte, et chaude. Nous y restons peut-être une heure et demie, avant que la faim ne nous force à sortir. Nous pique-niquons au bord de la 87, près d'un petit lac envahi par des moucherons qui, heureusement, ne piquent pas.

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A Mývatn, nous allons enfin essayer le sauna, vieux rêve pour Frédérique et moi. Christophe est plus circonspect. Une piste quelconque part vaguement dans le désert, et au bout une pancarte indique " Badhfélag Mývatnssveitar ". Au milieu de nulle part, une sorte de baraque de chantier formée de deux demis cylindres horizontaux en plastique beige entourant un cabanon en bois, l'installation est sommaire. La partie gauche contient les vestiaires, la douche est au milieu, et à droite se trouve le sauna proprement dit. Lorsqu'on y pénètre, on est assommé par la chaleur qui y règne. La chaleur naturelle monte du sol à travers le plancher constitué de planches non jointives, un seau d'eau maintenant la saturation en vapeur, tandis qu'une cheminée permet de moduler la température proche de 80°C. Après quelques minutes de cuisson, une bonne douche fraîche permet de se requinquer. Que c'est bon !

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Une longue liaison nous attend maintenant, en direction du glacier Hofsjökull. Nous suivons la route 1 jusqu'à Akureyri, deuxième grande ville du pays, où nous faisons quelques courses alimentaires. Nous achetons à la supérette locale, entre autres victuailles, un pot de Skyr, sorte de fromage blanc épais d'origine islandaise, des tranches de porc roulées et fumées, et du mouton à griller, islandais lui aussi. Puis nous nous engageons dans la continuité du fjord sur la piste 821, bientôt remplacée par la F821, vers un col très alpin. La montée est interminable, mais de toute beauté. Nous longeons un torrent de montagne se faufilant entre les éboulis et les mousses vert fluo, de gué en épingle, dans une ambiance himalayenne, les yacks et les autochenilles en moins. Avec l'altitude, la végétation finit par disparaître pour laisser place à la caillasse, jusqu'à un col qui débouche sur le Sprengisandur, haut plateau situé entre 700 et 800 m d'altitude. L'air est glacial au coucher du soleil. Nous bifurquons sur la F752 et trouvons un bivouac un peu abrité, quelques kilomètres après le refuge de Laugafell.

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